Le
goûter au parc, c'est également un moment de sociabilisation.
Assise
sur le même banc qu'une dame âgée, je constate que ma petite
sauvageonne observe ma voisine depuis une quinzaine de minutes, sans
bouger d'un iota, en fronçant les sourcils et en plissant les yeux.
Plongée dans un bon bouquin, je ne prête pas attention à ses
grimaces et préfère profiter de ces minutes de calme.
Mais
quand je l'entends pleurer d'un coup d'un seul, comme si le ciel lui
était tombé sur la tête (ici c'est le pays d'Astérix et ses
habitants souffrent des mêmes peurs symptômatiques), telle une
louve qui protège ses petits, je bondis.
Après
ses longues minutes d'observation, il faut croire que ma princesse au
petit pois a analysé que ma pauvre voisine représente un danger
pour elle. En tous cas, aucun doute, elle est pétrifiée.
Une
fois
dans mes bras, contrairement à son habitude, elle ne se calme pas. Elle
ne quitte pas des yeux la petite dame qui, quant à elle, ne cache pas
son désespoir de faire si
peur à un bébé.
Ballotée
entre la pitié de cette dame toute triste et la compassion pour mon
bébé qui semble vivre une angoisse terrifiante, je décide de
réconcilier les deux générations.
"Oh
vous savez Madame, ne vous inquiétez pas, ne le prenez pas pour
vous, c'est l'âge où les bébés découvrent que tout le monde
n'est pas papa et maman..." (Tu parles, c'est juste que ta tête
ne lui revient pas ...)
"Oh
regarde mon bébé la belle voiture qui passe pas loin ! Ca ne
t'intéresse pas ? Tiens prends donc ce petit lion dans tes mains! Tu
n'en veux pas ? Attrape cette petite cuiller !..." Rien à
faire, elle est toujours fixée sur l'ancienne.
Là
je panique. C'est quoi son problème ?
Je
suis sans doute trop indulgente. Je tente une autre méthode, en
clamant bien haut et bien fort pour que ma voisine entende elle aussi
le message (j'ai toujours dans l'idée de ne froisser personne...) :
"Ca
suffit petite sauvage, la dame est très gentille (j'insiste...), tu
peux lui faire des sourires et lui montrer comme tu es mignonne. Ce
n'est pas gentil de la regarder comme ça. La dame serait très
contente si tu lui parlais..."
Je
patauge. La dame en question sombre de plus en plus: trop fatiguée
pour changer de banc, elle se décale petit à petit à l'extrémité
du mien. Je vois bien que mon bébé n'est pas plus rassurée: elle a
toujours ses petits yeux plissés et ses sourcils froncés (trop
mignon).
Ne
sachant plus par quel bout la calmer, j'oublie un instant
l'apprentissage théorique de la sociabilisation. Je laisse ma petite
fille tranquille et tente de recoller les morceaux avec l'autre
génération. Se lance alors une discussion sur tout et rien, nous
parlons à bâtons rompus de la pluie et du beau temps (sujet très
en vogue dès que les températures ne sont pas de saison).
Sans
y faire attention, ma petite s'est ouverte et la voilà qui gazouille
et raconte sa vie à ma nouvelle copine, tout en lui montrant ses
plus beaux sourires.
D'accord
mon bébé, la leçon est retenue: mieux que les discours, il y a
l'exemple !